La dernière fois, je vous ai laissé juste après le survol du lac Powell en avion.
Comme nous avons volé de bonne heure, il n’est que 9h30 lorsque je récupère l’AZ-98. Le GPS annonce deux heures de trajet. Et nous perdrons une heure car nous quitterons l’Arizona pour l’Utah. Une fois qu’on sort des villes, il y a peu de monde sur la route. C’est agréable d’avaler les kilomètres.
Soudain, un message d’alerte apparait sur le tableau de bord : low fuel. Punaise ! Nous avons oublié de refaire le plein d’essence avant de quitter Page, cela nous ait complètement sorti de la tête ! Nous sommes au milieu de nulle part. Ce n’est pas comme sur les autoroutes françaises où tu sais que tu auras forcément devant toi une aire avec station. Là, tu peux faire 300km sans la possibilité de remplir le réservoir ! Le zhom très pragmatique me dit : « ça fait 20 minutes qu’on roule, le plus prudent, c’est de faire demi-tour et de retourner à Page. »
C’est ce que nous avons fait, en coupant la clim, en roulant fenêtres ouvertes et en réduisant la vitesse.
Il est presque 10h30 quand nous reprenons la route dans la bonne direction. On a juste perdu 45 minutes dans l’histoire, cela aurait pu être pire ! Deux heures plus tard, nous arrivons à Monument Valley. Nous avançons nos montres d’une heure. Le Pass America the Beautiful ne permet pas d’accéder au site, puisque nous sommes en territoire Navajo. On nous fournit le plan. Les guides disent qu’il faut compter 3h pour faire le tour.
Notre petit déjeuner de ce matin est bien loin. On va pique-niquer d’abord. En tout et pour tout, deux tables de pique-nique se battent en duel au niveau du visitor center. Elles sont prises, forcément. Je trouve ça dingue qu’il n’y ait rien de prévu pour manger sur le pouce. C’est pas grave, nous nous servons du rebord des fenêtres pour poser nos salades, et en se collant aux bâtiments, nous arrivons à être à peu près à l’ombre. 5 minutes plus tard, Elian repère qu’une table va se libérer et pique un sprint pour prendre la place 🙂
Après notre repas tardif, nous prenons enfin la Valley Drive, piste qui permet de sillonner le parc et de voir les buttes d’un peu plus près. On se mange la poussière dégagée par la voiture précédente, et nous en envoyons aussi à celle qui se trouve derrière nous. Sans être la cohue, nous ne sommes pas tout seuls, c’est clair. C’est un peu pénible à chaque point de vue. Ça va, et ça vient mais certains se garent n’importe comment, genre en parallèle alors que tous les autres sont en épis, ce qui empêche parfois d’optimiser le stationnement. Mais je reste zen, parce que le paysage est chouette, que je suis en vacances, et que y-a plus grave dans la vie.
Elephant Butte, Three sisters, Camel Butte, Totem Pole… Nous enchainons ainsi les points de vue. Certains n’ont rien de vraiment spectaculaire. D’autres, comme le John Ford’s Point ou Artist’s Point, permettent de prendre des photos fantastiques. Et on ne s’en prive pas !
Nous finissons la boucle et ressortons du parc. Il est à peine 16h30. Finalement, en deux heures nous avons pu tout faire sans avoir l’impression de courir. Il nous reste encore deux heures et demi de route avant d’atteindre Moab, notre prochaine étape. Je m’engage sur l’US 163.
Avant de quitter complètement le coin, il faut qu’on s’arrête au mile marker 13. En fait, nous sommes au Forest Gump Point : ce moment dans le film où après avoir couru pendant plus de deux ans, il s’arrête subitement et annonce qu’il est fatigué et qu’il va rentrer chez lui. Derrière, on aperçoit le groupe de fans et, en arrière plan, les buttes et mesas de Monument Valley. J’adore ce plan. Equilibre parfait entre le ciel, les buttes, la route… Mythique !
Nous voulons tous faire une photo au milieu de la route évidemment. Chacun notre tour, nous vérifions qu’aucune voiture n’arrive (heureusement le trafic n’est pas soutenu) et nous prenons la pose. Enfin, chacun a sa photo et nous pouvons repartir.
La route est longue, droite, monotone. Tout le monde roupille. Je suis seule avec les tubes Pop qui passent à la radio. Pas besoin de regarder le GPS. « C’est toujours tout droit ! ». La voiture est pleine de poussière. Je vois des nuages noirs s’amonceler à l’horizon et je pense « il nous faudrait une petite pluie, juste le temps de nettoyer la voiture ». Quelques minutes plus tard, de grosses gouttes s’écrasent sur le pare-brise. Le soleil perce encore alors j’ai droit à un magnifique arc en ciel. Petit plaisir simple 🙂
Nous arrivons enfin à Moab. Après avoir fait le check-in au Super 8, nous repartons diner en ville et faire de petites courses pour le pique nique du lendemain.
Il fait très beau le lendemain matin.
Arches est un parc très touristique, alors j’ai prévu qu’on y soit vers 8h. Lorsque nous arrivons au parc, nous entrons sans montrer patte blanche. Pas de péage avec rangers, les maisonnettes sont vides et fermées. Tant pis, nous avons la conscience tranquille de toute façon. On se dit qu’on devra peut-être montrer notre Pass ce soir, en ressortant.
Le premier point de vue du parc n’est pas une arche mais un immense mur de grès, le Park Avenue Viewpoint. On s’arrête juste le temps de prendre des photos. Nous allons également voir le Balanced Rock, un énorme cailloux en équilibre sur un rocher plus étroit. On se demande comment il tient. C’est très photogénique.
Puis nous filons en suivant les panneaux car du coup, point de rangers point de plan. Nous longeons les Petrified Dunes, une grande étendue de dunes de sable pétrifié. Nous cherchons le départ du Devils Garden Trail, la randonnée que nous avons prévu de faire ce matin. En fin d’après-midi, j’ai prévu le trail pour voir Délicate Arch, qui parait-il est magnifique au coucher du soleil. Nous sommes toujours en train de rouler quand je repère des panneaux lumineux indiquant que certaines routes sont en travaux et que par conséquent, tous les véhicules doivent être sortis du parc à 19h. Bon, ben c’est raté pour le sunset !
Nous nous garons enfin sur le parking correspondant au départ du trail. Nous sommes tout au nord du parc, à presque 18 miles de l’entrée.
Il est 9h quand on commence à marcher. Nous longeons de hautes parois, qui nous permettent de rester à l’ombre. Il fait déjà bien chaud et nous apprécions d’être protégés du soleil. On devrait en avoir pour 3 heures environ aller et retour.
La première partie du chemin est très facile, accessible à tous. Nous découvrons d’abord Tunnel Arch puis Pine Tree Arch. Nous marchons encore et Landscape Arch se révèle à nous : il s’agit de la plus grande arche au monde ! C’est très impressionnant : 89 mètres de long à 32 mètres du sol. Auparavant, une partie du chemin permettait de passer en-dessous. Mais depuis qu’un énorme bloc s’est détaché en 1991, il est interdit de trop s’approcher.
C’est là que les familles avec enfants ou les gens en tong font demi-tour car la suite du trail est un peu plus ardue. Il ne faut pas avoir le vertige et ne pas avoir peur de grimper sur des rochers parfois un peu glissants.
Nous sommes vite dans le bain avec une grimpette assez pentue. Arrivés en haut, un chemin sur la gauche quitte le trail principal pour nous amener à Partition Arch puis Navajo Arch.
Partition Arch est magnifique car elle offre, au delà, un panorama à couper le souffle. L’arche fait un encadrement ocre tout autour du paysage, comme un cadre photo. C’est très beau.
Navajo Arch quant à elle fait penser à une porte cochère. Nous revenons sur le chemin principal pour continuer sur les rochers. On accède alors à une sorte d’esplanade étroite, en hauteur, qui offre de beaux points de vue sur les formations de grès des alentours. Ce ocre, le vert des buissons et le ciel très bleu, ne rendent pas aussi bien sur mes photos qu’à travers mes yeux.
Nous accédons enfin à Double O Arch, deux arches juxtaposées qui forment deux fois la lettre O.
Au pied, de l’arche, nous trouvons un peu d’ombre et en profitons pour nous reposer un peu. On boit de l’eau, on pioche dans les chips et on se remet de la crème solaire.
A ce niveau du trail, on peut revenir sur nos pas ou décider de revenir au parking via un autre chemin, le Primitive Trail, plus difficile. Le zhom est motivé, il déteste faire demi-tour. Alors on le suit. J’avoue que je commence à fatiguer. Je ne suis pas non plus très rassurée car sur la fin du parcours menant à la dernière arche, j’ai trouvé que les panneaux étaient insuffisants. Alors je crains que ce soit encore pire sur cette portion dite difficile, réservée aux randonneurs avertis. En fait, les rangers utilisent des cailloux empilées, à intervalles réguliers, pour indiquer la direction à prendre. Mais ils ne sont pas toujours repérables facilement. Ce que je ne sais surtout pas, c’est que ce trajet rallonge la randonnée de 3 miles soit deux heures !
Nous descendons pendant un long moment un sentier un peu délicat mais sans trop de difficulté puis nous arrivons à un panneau indiquant une boucle d’un demi-mile pour aller voir une autre arche, Private Arch. Elle s’appelle comme ça, parce que c’est l’arche la moins visitée du parc. Tu m’étonnes, il faut déjà pouvoir arriver jusque là ! Nous allons voir cette arche sans les enfants… et le problème c’est qu’au retour on n’a pas réussi à retrouver l’intersection ! Il faut savoir que nous ne sommes pas sur un chemin bien dessiné. Nous marchons sur des rochers, on contourne des buissons, on passe sous des branchages, bref, ce n’est pas linéaire du tout. Je vous passe le stress que j’ai pu ressentir lorsque je me suis rendue compte qu’en suivant les cailloux empilés, nous étions en train de descendre bien au delà de l’endroit où les enfants nous attendaient. Il a fallu qu’on remonte et heureusement, mes loulous s’étaient mis en hauteur pour pouvoir être vus et nous repérer. J’étais la seule à avoir une carte SIM valide aux US, donc pas possible de s’appeler…
A présent que nous sommes tous réunis, nous pouvons descendre à nouveau. Il n’y a plus du tout de sentier, mais des rochers qu’il faut escalader, des parois qu’il faut longer et même de petites étendues d’eau qui barrent la route et qu’il faut contourner.
Enfin, le primitive Trail rejoint le chemin facile, nous sommes de retour au niveau de Landscape Arch. Il faut encore marcher pour arriver jusqu’au parking. Nous buvons nos dernières gouttes d’eau. Pour finir, la marche de 3h s’est transformée en randonnée de presque 5h. On est cuits et j’ai fait la bêtise de mettre mes runnings ce matin, j’ai les pieds en compote, je boite !
Du coup, nous décidons de quitter le parc et de revenir le lendemain pour faire Delicate Arch.
Non loin de Moab se trouve une rivière, le Mill Creek Canyon, où il fait bon faire trempette. J’ai glanné des infos sur le net car sur place, pas d’indications, pas de panneaux… Je pense que c’est une volonté des locaux de ne pas révéler l’endroit au plus grand nombre.
Nous longeons une rivière, d’abord sur des rochers puis sur un sentier. Le lieu est arboré, et cela fait vraiment du bien d’entendre chanter une rivière. Le son nous rafraîchit !
Le sentier s’arrête… et reprend de l’autre côté : nous devons retirer les chaussures pour traverser la rivière. Le cours d’eau n’est pas très profond, ce n’est pas un problème. L’eau fraîche est un délice sur mes pieds meurtris. Je me régale. Je continue pied nus, les cailloux du sentier ont fait place à du sable.
Nous entendons enfin des cris et des bruits d’éclaboussures. Au détour du sentier, nous apercevons un groupe d’enfants en hauteur, ils sautent chacun leur tour dans la rivière. A cet endroit, elle est assez profonde. Les parents sont un peu plus loin, assis les fesses dans l’eau. Il n’y a pas vraiment de rives, c’est un petit canyon, Alors nous posons nos affaires sur un petit banc de sable. Nous nous mettons en maillot de bain. Nous nous asseyons sur des rochers à moitié immergés. Et nous regardons le spectacle des téméraires qui grimpent une petite falaise pour ensuite faire le grand saut. Il y a intérêt à bien viser, la profondeur n’est pas la même partout. Finalement, nul besoin d’être complètement dans l’eau pour se rafraichir, on est bien.
Nous restons un petit moment, le temps de goûter et de se boire une bière cachée dans nos T-shirts ! Le temps est en train de se couvrir, de gros nuages ont fait leur apparition dans le ciel. Nous remballons, car il faut bien compter vingt minutes de marche avant de retrouver le parking.
De retour au motel, on se jette tous sur nos lits. Grosse journée ! Nous sommes crevés. Nous nous posons un peu en finissant le paquet de chips de ce midi. Ça fait du bien de ne rien faire.
Soudain, l’orage éclate. Il se met à tomber des trombes d’eau. Le ciel est noir. Il pleut tellement qu’on décide de ne pas ressortir. On picore quelques gâteaux et zou au dodo.
Le lendemain, nous sommes réveillés par la pluie… Nous décidons de tenter Canyonland le matin, comme prévu, comme c’est à 40 minutes de route, peut-être qu’il n’y pleut pas…
Canyonland est un parc immense, en trois parties : the Mazes, the Needles et Island in the Sky. Cette dernière zone est la plus proche de Moab et la plus facile à visiter. Nous entrons grâce au Pass et obtenons le plan du parc. Nous empruntons la Scenic Drive. Juste après le Visitor Center, nous nous arrêtons au premier point de vue, le Shafer Canyon Overlook.
Un chemin part du parking et nous amène sur le plateau. De là, nous avons une vue à plus de 180° sur le Shafer Canyon, et sur la fine route qui serpente de Island in the Sky au bas du canyon. Après avoir vu le grand canyon, nous sommes moins impressionnés, forcément, mais la vue est quand même extraordinaire. Ce qui me subjugue le plus c’est l’immensité des espaces : le paysage est infini, le canyon, des mesas, la plaine…
Il ne pleut pas mais le ciel est chargé, et des nuages tout fins sont juste au dessus de nos têtes, comme des fils de coton.
Nous remontons en voiture direction le parking du Mesa Arch trail. Je vais me consoler de ne pas être retournée à Arches aujourd’hui. Les américains appellent « trail » le moindre chemin qui mène quelque part dans un parc. Ils sont ensuite classés du facile au difficile. Mais appeler « trail » un chemin d’un demi mile qui descend doucement jusqu’à l’arche, ça fait un peu pompeux. Ici, on fait du « hiking ». En France, on se balade quoi.
La Mesa Arche est superbe. C’est surtout la vue qu’elle encadre qui est à couper le souffle. Elle est comme posée au bord du précipice et offre un panorama somptueux sur les canyons de Island in the Sky. Nous grimpons à coté de l’arche pour embrasser tout le point de vue. Il s’agit de bien regarder où nous mettons nos pieds. Comme au Grand Canyon ou encore à Horseshoe Bend, il n’y a aucune sécurité et cela se comprend, ça gâcherait tout. La nature est ici à son apogée.
Le ciel, encore un peu bleu tout à l’heure malgré les nuages, est devenu tout gris. Nous filons vers le Green River Overlook. Nous sommes à 6000 pieds, soit un peu plus de 1800m d’altitude. Nous avons la tête dans les nuages et c’est vraiment dommage. Comme il y a du vent, il faut être patient car les cumulus vont et viennent… et nous laissent quand même apercevoir le fabuleux point de vue sur le canyon creusé par la green river.
Nous reprenons la Scenic Drive jusqu’au bout. Là, se trouve le parking pour Grand View Point Overlook. Apparemment, s’il y a un lieu à ne vraiment pas rater sur le parc, c’est celui-ci. Une longue marche au bord du rim de la butte nous mène à nouveau à un superbe point de vue. Cette fois-ci, c’est le canyon creusé par le Colorado que nous pouvons admirer. Les nuages sont de plus en plus bas, une partie du paysage est complètement camouflé.
Au moment où nous décidons de repartir vers le parking, il se met à pleuvoir, de plus en plus fort. Nous décidons de sortir du parc. Juste à côté, il y a le Dead Horse Point, un autre parc non accessible avec le Pass. Mais nous décidons de le zapper, le temps ne permettant aucun espoir d’apprécier les points de vue. Ce fut une des rares journées avec pluie de notre périple, en 4 semaines, il ne faut pas en vouloir à la météo même si sur le moment on est forcément un peu déçu qu’elle vienne perturber le programme.
J’en ai profité pour faire une petite sieste puis une lessive !
Le lendemain, nous avons retrouvé un beau soleil pour visiter Capitol Reef…
Suite au prochain épisode !